Tout manager en a croisé au moins un dans sa carrière… et les autres ne perdent rien pour attendre. Sachez les repérer et réagir avant qu’il ne soit trop tard.

Avant de fonder la start-up Hi !, qui développe des objets connectés, Robin Sauzet a longtemps été chargé du déploiement du progiciel de gestion SAP dans un grand groupe évoluant dans le secteur de l’environnement. Ce poste l’a confronté à des collaborateurs rétifs au changement. Sa parade pour les convertir : déléguer et leurs confier des responsabilités. Une stratégie d’une efficacité redoutable. “Lorsqu’on leur propose de devenir chef de projet, témoigne-t-il, la plupart des gens acceptent de jouer le jeu et leur regard critique se révèle, au final, très pertinent pour enrichir la réflexion”.

Qui n’a jamais vu ses relations de travail empoisonnées par une personnalité toxique ? Coach spécialisé dans l’approche neurocognitive et comportementale, Patrick Collignon relève que face à cette situation “les salariés ont tendance à attendre de la hiérarchie qu’elle règle tout. Or, même quand c’est ne N+1 qui est insupportable, chacun a les ressources pour trouver la parade”. La clé : évacuer ses propres émotions afin de pouvoir décrypter en toute objectivité puis contrecarrer les agissements du perturbateur. Certes, vous ne changerez pas sa personnalité, mais vous parviendrez à établir des rapports acceptables avec lui et à vous préserver. Nos conseils pour bien réagir face à 7 profils d’individus toxiques.

1. Le manipulateur

Un spécialiste du louvoiement qui attisait les rivalités dans ses équipes, doublé d’un dissimulateur patenté prompt à présenter les faits sous un aspect déformé ; voilà le type de manager auquel Vincent Launay a été confronté il y a quelques années, lorsqu’il était directeur général des services d’une ville. Néfaste au fonctionnement du service, l’individu en question est rapidement devenu ingérable.

Notre antidote : “Le manipulateur perd toute nocivité lorsqu’il est démasqué. Pour le neutraliser, mettez-le face à ses contradiction”, conseille Jean-Edouard Grésy, fondateur d’AlterNego (négociation et gestion de conflits). Par exemple, Vincent s’est mis à vérifier systématiquement, et en opérant au vu et su de tout le monde, la moindre information ou parole émanant de ce cadre, qu’elles concernent un dossier ou des collègues. Résultat, le semeur de zizanie a vu fondre son pouvoir de nuisance. Attention cependant à ne pas sortir du cadre professionnel, car cette stratégie pourrait alors se retourner contre vous.

2. Le Freineur

Votre adjoint a “oublié” d’informer son équipe de la nouvelle organisation préconisée par la direction ou il prétend ne pas avoir eu le temps d’appliquer les dernières méthodes de reporting ? Vous pourriez bien avoir affaire à un “freineur”, un collaborateur rétif aux changements. Ce profil n’est pas évident à détecter, car il a tendance à se décharger de toute responsabilité en évoquant diverses excuses : immaturité de l’équipe, absence de ressources, inertie de la culture d’entreprise, etc. Ce n’est jamais sa faute ! Pour vérifier qu’il dit vrai, demandez-lui de détailler les difficultés qu’il prétend avoir rencontrées.

Notre antidote : s’il s’avère que vous avez bien affaire à un éternel réfractaire, clarifiez la situation en lui rappelant l’intérêt du projet pour l’entreprise. Et incitez-le à devenir force de proposition en l’associant à la décision. C’est la démarche qu’a adoptée Edmond, directeur de filiale d’une société d’autoroute : pour rallier son bras droit à une énième réorganisation, il lui a demandé de piloter un groupe de travail “innovations”. Bref, pour faire avancer un freineur, retournez-le.

3. Le compétiteur

Un collègue a un jour annoncé à Frédéric Box, consultant en stratégie digitale dans une start-up, qu’il ne voulait rien de moins que… lui piquer sa place. Sans être toujours aussi frontal, ce profil se signale par le besoin qu’il a de se mesurer aux autres et d’affirmer sa supériorité.

Notre antidote : face à un compétiteur, refusez le duel en catimini qui ne manquerait pas de vous isoler et de vous mettre sous pression. “Misez au contraire sur le collectif en vous appuyant sur un réseau d’alliés”, conseille Jean-Edouard Grésy. Ainsi, Frédéric Box a sauvé sa place en informant ses patrons de la situation de rivalité potentiellement explosive. Pour départager les deux hommes, la direction a imaginé les faire plancher sur un même projet et d’attribuer le poste au vainqueur. Frédéric s’est plongé dans le travail. Le compétiteur – qui visait plus le titre que la responsabilité – s’est déballonné : il a quitté l’entreprise avant même d’avoir livré une proposition. Conclusion : pour couper l’herbe sous le pied d’un compétiteur, sollicitez le jugement d’un tiers.

4. L’expert asocial

Celui-là vous envoie des e-mails cinglants pour un mot mal choisi. Ou bien il se plante devant vous et se lance au débotté dans un interminable monologue, sans même avoir pris la peine de vérifier votre disponibilité. Souvent hors hiérarchie, un peu “égocentré”, l’expert asocial est à ce point focalisé sur ses dossiers qu’il en oublie le b.a.-ba des relations humaines. Il agit même parfois sans malveillance : il n’a juste aucune conscience du caractère excessif de son comportement. Celui-ci présente néanmoins un inconvénient majeur : il vous porte, à juste titre, sur les nerfs.

Notre antidote : face à ce malotru aussi indélicat qu’un rouleau compresseur, jouez l’effet miroir. “Insistez, si besoin est, sur l’importance des formules de courtoisies, puis entrez dans le vif du sujet. Et si cela ne suffit pas, soyez plus explicite et évoquez un ou deux épisodes vécus pour lui indiquer vos attentes”, suggère Marie Rebeyrolle, fondatrice du cabinet Carré Pluriel.

5. Le patron tyrannique

Embauché il y a une quinzaine d’années chez Veolia comme responsable du contrôle de gestion pour le Grand Ouest, Robin Sauzet inaugure ses nouvelles fonctions en effectuant une tournée sur le terrain. A son retour, il trouve son nouveau patron très en colère. Celui-ci lui reproche d’avoir noué un contact direct avec les contrôleurs de gestion locaux et ne lui adresse plus la parole pendant trois semaines. Mais Robin, lui, ne rompt pas le contact. Sans se démonter, il continue de lui envoyer des e-mails et à lui transmettre ses rapports comme si de rien n’était. Amadoué par un tel professionnalisme, son boss finit par se dérider et reprend une relation normale.

Notre antidote : “Résumez par écrit ses échanges avec son N+1 est un bon réflexe”, commente Patrick Collignon. En lui faisant ensuite valider ce document, vous serez à même, plus tard, de contrer ses foudres éventuelles et aurez une trace écrite si jamais vous deviez en appeler au N+2. Si vous êtes victime d’un véritable cas de harcèlement, prévient Marie Rebeyrolle, “veillez à maintenir le contact avec d’autres collègues pour ne pas vous laisser enfermer dans une relation néfaste et faites-vous aider par un juriste ou un représentant du personnel car vous aurez du mal à vous en sortir seul”.

6. Le client ingérable

Directeur commercial de D2B Consulting, une société de conseil en accompagnant les entreprises dans leur stratégie commerciale et digitale, François Batun se méfie des clients toxiques. A la différence des consommateurs exigeants, les toxiques multiplient les entraves et les revendications. Ils finissent par nuire à la relation. Le dernier qu’il a eu à affronter s’est d’ailleurs distingué par l’instauration d’une sorte de climat d’urgence, multipliant les appels une semaine seulement après la signature du contrat, alors que le projet était livrable trois mois plus tard, et remettant en cause des points déjà réglés.

Notre antidote : “Dès les premiers signaux d’alerte, il faut recadrer ce type de client en lui rappelant les termes de l’accord et le rassurer sur votre capacité à exécuter la prestation”, préconise François Batun. Et si vos explications restent sans effet, il faudra sans doute aller jusqu’à renoncer à la commande – “C’est une solution, certes, extrême mais il est parfois nécessaire d’en passer par là”, souligne-t-il encore. Lui-même s’y est résolu il y a quelques mois, face à un interlocuteur de mauvaise foi qui, à peine le marché conclu, lui réclamait de nouvelles options en prétextant avoir payé trop cher. Comment trancher ? “Si le temps requis par un client empiète sur les autres dossiers, qu’il affecte l’organisation et émousse la motivation de l’équipe, il vaut mieux couper court”, résume-t-il.

7. Le manager “hyper”

Lorsqu’il a pris son nouveau poste de directeur des ventes, Yannis a été accueilli comme le Messie : son directeur régional attendait un collaborateur de sa trempe pour mener à bien de nouveaux projets. Mais son bonheur n’a pas duré : le boss, qui développait dix nouvelles idées par jour, exigeait qu’elles soient toutes approfondies. Surinvesti dans l’entreprise et hyperémotif, il était éternellement insatisfait, jusqu’à en devenir agressif.

Notre antidote : ne pas alimenter ses attentes, quelle qu’en soit la forme (l’yperperfectionniste pinaille sur chaque détail ; l’hypersocial vous fait rencontrer tout son carnet d’adresses ; l’hyperambitieux veut toujours de meilleurs résultats…). “Demandez-lui de reformuler très concrètement ses demandes et de les noter, conseille Patrick Collignon. Puis ramenez-le à la réalité en lui rappelant les moyens et le temps dont vous disposez ainsi que le coût induit par tout nouveau service supplémentaire. Enfin, rassurez-le en listant les étapes qui conduiront au résultat final.” En lui donnant tous ces gages, vous parviendrez enfin à enrayer son stress. Vous avez dit hyper… épuisant ?

Gaëlle Ginibrière

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