Un physique avenant serait une garantie de succès, notamment dans le domaine professionnel. Pourtant, les beaux n’ont pas toujours le beau rôle.

A la « une » de Libération, lundi 12 juin, le visage de trois-quarts d’Emmanuel Macron posé sur les phalanges de sa main fermée, le regard au loin. Entendu dans le métro, le même jour, deux femmes s’accordant sur le fait qu’il était « difficile de ne pas voter pour ce beau gosse ».

Etre beau facilite-t-il la réussite ? A-t-on plus de succès professionnel avec un physique avenant ? La beauté est à double tranchant, prévient Sophie Cheval, psychologue clinicienne, auteure de Belle autrement (Armand Colin, 2013). Entretien avec cette thérapeute spécialiste des souffrances liées à l’apparence physique.

A quoi tient la beauté ?

Avant de savoir si la beauté favorise la réussite, encore faut-il la définir. Les critères esthétiques valorisés fluctuent énormément d’une période de l’histoire à l’autre. Et ils fluctuent également dans l’espace, en fonction de critères socioculturels.

Les canons esthétiques de notre époque agissent comme des injonctions. Chercher à s’y conformer aboutit bien souvent à une souffrance. Il importe de souligner que ce sont des injonctions qu’on nous inflige – et pas qu’on s’inflige ! Dans la chanson Foule sentimentale d’Alain Souchon, il y a cette phrase très juste : « On nous Claudia Schiffer (…) / Ah le mal qu’on peut nous faire… » : notre environnement nous présente des normes de beauté qui influencent notre comportement.

Il est d’autant plus difficile de correspondre à ces critères de beauté qu’ils sont toujours paradoxaux : dans les périodes d’abondance, les morphologies fluettes sont valorisées, et les morphologies plus rondes le sont pendant les périodes de « disette » et de restriction. La beauté est associée à des critères de rareté. Par définition, elle est une exception. C’est ce qui est le plus singulier qui frappe.

Ainsi de l’élection de M. Macron : dans le contexte politique – des sexagénaires au crâne chauve, que l’on connaît depuis trente ans, qui nous ont déjà promis monts et merveilles, et souvent déçus –, le visage du candidat La République en marche, faisait exception.

La beauté fait-elle consensus ?

La beauté est d’abord une expérience émotionnelle. Et elle peut en effet faire consensus. En condition expérimentale dénuée de tout contexte, quels que soient l’âge du participant, sa culture d’origine ou son morphotype, on observe par imagerie cérébrale que les mêmes zones du cerveau, celles de la récompense et du plaisir, s’activent devant les photographies de beaux visages, anonymisés et neutralisés.

En dehors de ces phases expérimentales, notre ressenti de la beauté prend en compte d’autres critères : on parle notamment de « beauté intérieure ». Notre expérience vécue de la personne vient moduler la première impression purement esthétique qu’on a eue d’elle.

Etre beau, critère de réussite ou frein social ?

On nous « vend » l’idée qu’une personne belle est une belle personne, ce qui induit qu’elle est forcément heureuse, épanouie, talentueuse et parée de toutes les vertus – tous ces raccourcis clavier dont notre cerveau est capable ! On a tous tendance à agir dans le sens de ces stéréotypes, et à nous comporter de manière bienveillante avec les personnes au physique attrayant. C’est pour cela que… les beaux sont avantagés !

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Mais l’extrême beauté en particulier peut aussi être l’objet d’une forme de discrimination : elle inquiète, fait peur, crée chez ceux qui sont moins beaux des émotions négatives, et peut ainsi constituer un frein à la promotion, à l’embauche…

Et donner lieu à d’autres stéréotypes. Par exemple, une personne belle serait superficielle et idiote. Même les beaux peuvent avoir à pâtir de leur apparence physique. C’est une souffrance universelle et personne n’y échappe, à un moment ou un autre de sa vie.

On ne peut évidemment pas faire abstraction de l’apparence physique. Mais on a aussi toute latitude comportementale pour réagir au stimulus de la beauté : ai-je envie d’en tenir compte ?, ai-je envie d’agir principalement en fonction de ce critère ? ai-je envie de prendre un contre-pied radical ? On est libre de se positionner à l’égard du rôle que la beauté joue dans nos vies.

Marlène Duretz

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