Carrière des femmes et bonheur conjugal font rarement bon ménage sauf si le mari met réellement la « main à la pâte ».

Messieurs, si vous faites ­partie de l’importante fraction de la population qui fête les mères, et que vous vous interrogez sur ce qui ferait plaisir à votre conjointe dimanche, c’est très simple : prenez votre part des tâches domestiques. Encore la même rengaine, allez-vous maugréer. Certes. Mais il y a du nouveau en la matière.

Une récente étude publiée en avril dans Organization Science rappelle que carrière des femmes et bonheur conjugal ne font pas bon ménage. Mais que tout peut s’arranger « si le mari fait la lessive » ! Pas compliqué, quand même. Deux professeurs ­canadiens, un homme, Julian Barling, de la Queen’s University, et une femme, Alyson Byrne (université ­Memorial de Terre-Neuve), sont à l’origine de cette « découverte ».

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Dans sa bande dessinée, la blogueuse Emma alerte très efficacement sur cette « charge mentale » qui pèse sur les femmes (Le Monde du 17 mai 2017). La dessinatrice ­explique parfaitement le poids que représentent la programmation et la gestion du foyer. Mais ce n’est pas tout. Et ceux qui ne prennent pas ce problème de la répartition des tâches domestiques au sérieux s’exposent à de graves déconvenues. Familiales, mais aussi professionnelles. Raison pour laquelle cette question triviale a toute sa place dans une chronique consacrée à la vie en entreprise.

L’Oscar et le divorce

Premier constat : la probabilité d’un divorce est plus élevée dans les couples quand la femme réussit professionnellement. Ce phénomène avait été identifié dans un premier temps à Hollywood. Une étude réalisée en 2011 avait prouvé qu’une femme qui se voyait décerner l’Oscar de la meilleure actrice risquait beaucoup plus (1,68 fois plus) de divorcer que les autres. Ce qui n’était pas le cas pour les acteurs. Un phénomène dont on sait désormais qu’il s’applique à tous les secteurs d’activité et pas seulement au cinéma.

Gagner plus que son mari représente ainsi un risque tellement important pour la stabilité du couple que nombreuses sont les femmes qui préfèrent ne pas chercher à se mettre en avant professionnellement. Ce qui expliquerait, en partie, pourquoi seulement une femme sur quatre gagne plus que son mari dans un couple, alors que désormais les femmes sont autant diplômées que leur conjoint.

Cette conclusion a pu être établie par une autre équipe de chercheurs américains, ayant analysé l’évolution des couples américains entre 1970 et 2010, en s’appuyant sur les données de l’US Census Bureau, l’équivalent de l’Insee aux Etats-Unis. Ce phénomène est particulièrement sensible dans les métiers scientifiques et techniques. Des chercheurs en psychologie en ont apporté la preuve dans un article paru en 2016 : pour séduire, quand on est une fille, mieux vaut ne pas être une flèche en mathématiques.

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Ce qui était vrai il y a quelques décennies le serait toujours aujourd’hui. Ce facteur est rarement mis en évidence par ceux qui cherchent à expliquer la raison du faible nombre de filles dans les grandes écoles puis dans les métiers scientifiques. Il n’est pourtant pas négligeable.

Le clash final

Pour compenser le handicap sentimental que constitue le fait de trop bien réussir au boulot, les femmes en font encore plus à la maison, ­observent les chercheurs. Et, bien que l’étude soit américaine, on peut penser qu’il en est de même en France, où, selon l’OCDE, les hommes consacrent un peu moins de temps aux tâches domestiques que leurs congénères américains (2,4 heures par jour pour les uns, contre 2,7 heures pour les autres) ; ce qui, dans les deux cas, est inférieur au temps qu’y consacrent leurs épouses.

Ce surcroît de tâches domestiques par les femmes dirigeantes ne suffit néanmoins pas à calmer les ani­mosités des uns et des autres. Et la probabilité de voir le couple sombrer reste supérieure à la moyenne.

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Sauf, et c’est le deuxième constat, si les hommes mettent réellement la main à la pâte, à la maison. Pour confirmer leur intuition, les chercheurs ont interrogé 209 femmes, occupant des postes de haut niveau et gagnant plus que leur mari. Ils ont observé que ces dirigeantes vivaient mal le fait de vivre avec un homme d’un statut social inférieur, ayant l’impression que cela les freinait dans leur carrière. D’où l’animosité des unes, et l’insatisfaction des autres. Et le clash final. Sauf si les maris les soutenaient non seulement en parole, mais aussi et surtout en agissant. « Ce qui permet ainsi aux ­femmes de se consacrer davantage à leur travail, mais est aussi un signe de respect », estiment les chercheurs.

Conclusion : pour le bonheur des ménages, mais aussi de la société et des entreprises désireuses de mieux tirer parti des qualités de tous et ­toutes, messieurs, faites la lessive, rangez le linge, et pas seulement le jour de la Fête des mères.

Annie Kahn

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