J’étais l’invitée de Jean-Jacques Bourdin sur #RMC #BourdinDirect, mardi 26 mars 2019, pour parler du tutoiement et du vouvoiement en entreprise.
La pratique du tutoiement semble se généraliser en entreprise. Ce que révèle une récente étude de la revue « Sociologie du travail »
Tutoyez-vous votre supérieur hiérarchique ? Dans son dernier numéro, la revue « Sociologie du travail » révèle que 63% des français utilisent le « tu » avec leur supérieur direct
Cette étude, révèle que ce sont les cadres les plus enclins à tutoyer leur chef, à l’inverse les employés sont plus frileux. Le tutoiement est facile quand votre supérieur est du même corps que vous mais difficile dans le cas contraire.
« Ce n’est pas parce qu’on se tutoie, qu’on est devenu des égaux »
Des différences existent aussi selon les sexes. Pour Alex Alber, sociologue et responsable de l’étude, moins de la moitié des femmes tutoient leur supérieur, avec 49%, contre près de 3 hommes sur 4 soit 71% des hommes. Ceci s’explique par le manque de femmes aux postes à responsabilités mais aussi car leur supérieur est plus souvent un homme.
Prudence toutefois le tutoiement peut être dangereux selon le sociologue: « En refusant ce côté militaire des classes, des grades, qui imposent le vouvoiement, on cache une transformation des rapports de pouvoirs. Ce n’est pas parce qu’on se tutoie, qu’on est devenu des égaux. Les frontières continuent d’exister ».
Et c’est justement pour conserver cette distance avec la hiérarchie qu’Iris, une parisienne interrogée par RMC, préfère éviter le tutoiement: « J’ai un peu de mal à passer le cap parce que j’ai peur de devenir trop familière avec eux et ne plus avoir cette hiérarchie. Dire ‘tu vas bien?’, non tout de suite, ça fait un peu trop familier pour moi, je n’ai pas été habituée à ça ».
« On a tendance à vouvoyer ses aînés »
Pour Marie Rebeyrolle, anthropologue, directrice du cabinet Carré Pluriel et invitée de la matinale de Jean-Jacques Bourdin, cette pratique est de plus en plus courante dans l’entreprise mais à l’image d’Iris, elle est plus ou moins utilisée selon le profil du salarié.
« Il y a trois facteurs qui entrent en compte dans le tutoiement et le vouvoiement: l’âge tout d’abord, on a tendance à vouvoyer ses aînés. Il y a le genre, parce qu’entre homme et femme ça va peut-être être plus compliqué qu’entre hommes ou qu’entre femmes. Et puis il y a l’appartenance sociale, c’est-à-dire les études qu’on a fait ou encore les lignes hiérarchiques auxquelles on appartient ».
« C’est comme le serpent dans ‘Le livre de la jungle’ qui dit, ait confiance »
Mais l’anthropologue émet quelques réserves quant à l’utilisation du tutoiement dans l’entreprise, ce « code social » peut aussi être un moyen de « mettre en confiance » les salariés, comme une forme de manipulation déguisée.
« C’est comme le serpent dans ‘Le livre de la jungle’ qui dit, ait confiance. Il y a dans le tutoiement quelque chose de l’ordre de, on est dans le même bateau, donc il n’y a plus d’enjeux de pouvoir et de différence. Le tout est de ne pas confondre le code avec le fonctionnement de l’entreprise ».