Le bien-être au travail participe des grandes aspirations actuelles. Il induit souvent un travail sur soi et ses pratiques. Certains changements à opérer peuvent alors nécessiter un accompagnement. Quel dispositif choisir, en particulier entre un coaching ou une psychothérapie ?
Marie Bonnet, psychothérapeute, et Marie Rebeyrolle, coach, dialoguent autour des caractéristiques, bénéfices, différences et complémentarités de leurs métiers.
Cela répond à quelle demande ?
Marie Bonnet : Quand on va voir le psy, c’est que cela ne tourne plus rond, ou bien ça tourne en rond. En fait, quelque chose bloque et l’origine semble psychique. Il y a souvent une souffrance psychique explicite ou latente. Il peut s’agir d’un traumatisme, d’un burn-out, d’un souhait de se perfectionner soi-même ou de changer son positionnement. Mais la demande peut être simplement de mieux comprendre son interaction avec son entourage en vue de l’améliorer ou de la modifier.
Marie Rebeyrolle : La demande peut être formulée par la personne elle-même et/ou l’entreprise (RH et/ou n+1), lors d’une prise de fonction, de difficultés relationnelles ou managériales, ou afin de s’y « retrouver », gagner en souplesse, efficacité, influence, vision stratégique… Dans tous les cas, cette demande est réinterrogée durant le coaching car elle soulève des enjeux de changement (de posture, modes de relation et d’action) qui sont au cœur même du travail d’accompagnement.
Quelles inquiétudes sont-elles le plus souvent formulées ?
M.B. : Le psy est à côté du divan, ou face à vous, vous laisse parler et fait des remarques à votre discours. Il suggère ou laisse entendre. Ce dispositif suscite bien sûr des inquiétudes : inutilité, dangerosité, temps long, ouverture de la boîte noire et donc de tous les dangers émotifs ? Le choix du thérapeute est important pour permettre un dialogue intime de confiance.
M.R. : Le coach pose des questions, interroge vos évidences, vous accompagne dans votre prise de recul et votre expérimentation de nouvelles manières d’être et de faire. Même si ce travail sur soi s’inscrit dans une visée professionnelle, il n’est pas sans soulever certaines inquiétudes : est-ce que ça va me déstabiliser, m’obliger à changer, toucher à mon intimité ? C’est pourquoi le choix de son coach est également important.
Quelles sont les grandes caractéristiques de chaque pratique ?
M.B. : Une première phase vise à rendre explicite la demande. C’est parfois long ou changeant. Lorsqu’une souffrance est énoncée, il sera ensuite important d’en comprendre la source et le mécanisme, de voir le fonctionnement intrapsychique de cette souffrance ainsi que son interaction avec un milieu social, familial, professionnel… La psychothérapie propose une guidance de compréhension du soi dans son rapport aux autres. Si le chemin emprunté est celui du changement, alors la psychothérapie visera à accompagner ces changements.
M.R. : Trois grandes caractéristiques définissent ma pratique de coach : poser et tenir le cadre (centration sur des objectifs professionnels et confidentialité), combiner bienveillance et exigence (laisser chacun construire son propre cheminement tout en suscitant le décalage et l’interrogation), s’adapter (travailler sur ce qui émerge durant la séance et prendre le temps de détours). Ensuite, tout est affaire d’écoute – ce qui est dit, évité, répété – afin d’accompagner chaque personne dans son expérience de changement, passant par un travail sur ses habitudes, inquiétudes, envies, émotions, croyances… et par une analyse fine de son environnement, des interactions qui s’y déploient et des implicites qui y sont à l’œuvre.
Quels sont les bénéfices visés ?
M.B. : Une meilleure connaissance et compréhension de soi dans son rapport aux autres, une plus grande confiance et/ou un meilleur sentiment de sécurité psychique, un mieux-être.
M.R. : Une meilleure connaissance de soi, plus de souplesse et d’agilité dans ses rapports aux autres, une relation plus sereine à son travail et ses exigences, une vision plus stratégique de son environnement professionnel.
En quoi ces deux pratiques sont-elles différentes ?
M.B. : Le psy ne va pas s’engager dans un programme détaillé d’objectifs ou de tâches à résoudre. Il ne va pas se projeter avec vous dans l’action, et son champ d’action sera exclusivement psychique.
M.R. : Le coach s’en tient à la résolution de vos enjeux et problématiques professionnels, dans une visée opérationnelle et une durée limitée, généralement dix à douze mois à raison d’une séance par mois.
Quelles sont leurs complémentarités ?
M.B. : Un progrès dans le coaching peut être bridé par un blocage psychique. Le coaching peut également faire surgir violemment une problématique qui n’est pas directement reliée au sujet travaillé. La psychothérapie peut aider à lever une inhibition, à analyser une agressivité, une timidité, à faire sortir une colère profonde, ou une tristesse qui tout à coup déborde. Elle peut être le lieu d’un travail émotionnel et accompagner la réflexion relative à cette problématique. Le psychothérapeute vous guide dans l’exploration de votre psychisme et les dynamiques inconscientes qui y opèrent. Une découverte de soi précieuse pour qui souhaite agir en « connaissance de cause ».
M.R. : Un coaching peut susciter l’envie d’aller plus loin dans le travail sur soi réalisé, et donc favoriser le démarrage d’une psychothérapie. De même, il arrive que des personnes en coaching suivent parallèlement une psychothérapie. L’effet positif est le plus souvent de faciliter la confiance et la remise en question, d’accélérer les prises de conscience et la mise en action. Cela peut ainsi donner le sentiment que le coaching est plus « efficace », car il tire les bénéfices du travail déjà réalisé en psychothérapie. Certains échos avec les dynamiques psychiques travaillées en psychothérapie peuvent également se produire. Il s’agit alors d’entendre ces résonances tout en gardant distincts les deux espaces d’élaboration que sont la psychothérapie et le coaching.