Vous rêvez de lui répondre du tac au tac ou de le secouer comme un prunier ? Voici 5 stratégies plus subtiles (et moins risquées) pour lui faire entendre raison.
Lobbyiste expérimentée, Geneviève s’est montrée très agacée lorsque sa nouvelle chef de service s’est mise à lui demander des comptes après chacun de ses rendez-vous. La renvoyer dans les cordes? Tentant, mais cela n’aurait servi qu’à exacerber les tensions. Geneviève a compris que sa jeune responsable, sortie de l’ENA deux ans plus tôt, avait surtout besoin d’être rassurée. Tout en défendant pied à pied son autonomie, elle a donc accepté de partager les grandes lignes de son emploi du temps. Et, très vite, les interrogatoires ont cessé.
Les cabinets de coaching accompagnent quantité de managers qui, confrontés à des dissensions avec leur boss, se trouvent démunis pour affronter sereinement celui qui a la main sur leur évaluation, leur rémunération et leurs perspectives de carrière. «Pourtant, assure le coach Marc Traverson, il faut s’autoriser à parler à son patron, même si l’on n’est pas d’accord avec lui, et à sortir de la position de l’enfant craintif face à l’autorité.»
Comment s’y prendre concrètement? Nous avons répertorié cinq scénarios types. A vous de jouer!
1. IL N’EST PAS D’ACCORD AVEC VOUS ? Trouvez des appuis et des alliances
Alors que la direction marketing de 3M ne voyait pas l’intérêt de commercialiser le Post-it, Arthur Fry, son inventeur, eut l’idée d’en distribuer aux secrétaires des membres du codir. Séduites, elles lui firent une telle publicité que le fameux petit carré de papier autoadhésif se vit finalement allouer un budget de lancement. «Au lieu de vous enfermer dans un face-à-face stérile, appuyez-vous sur des col lègues qui soutiennent votre projet», recommande Marie Rebeyrolle, la fondatrice du cabinet de conseil Carré Pluriel. Sandra, responsable de l’administration des ventes d’un géant de la distribution, l’a bien compris. Comme sa directrice commerciale s’opposait à la réorganisation de son équipe, elle a mis au point de nouvelles procédures avec ceux (les VRP et les assistantes) qui partageaient son point de vue. Ainsi ficelé et soutenu par ses troupes, le projet fut finalement accepté.
2. IL VOUS CHARGE COMME UNE MULE ? Contraignez-le à définir ses priorités
A la troisième demande de reporting de la semaine, le responsable d’un plateau téléphonique s’est senti vaciller. Où trouver le temps de réaliser une mission supplémentaire dans un planning déjà surchargé? Face au même constat, son collègue, responsable d’un autre plateau téléphonique, ne s’est pas démonté. Agenda à l’appui, il a prouvé à son boss qu’il n’avait pas une heure à consacrer à cette tâche. Et lui a demandé de lister les dossiers prioritaires sur lesquels il lui conseillait de se concentrer. «S’il n’avait pas réagi, il aurait pris le risque de tout faire mal et de s’attirer les foudres de son supérieur», commente David Destoc, directeur associé du cabinet de conseil OasYs. La clé: oser dire non avec fermeté, mais en rappelant votre investissement dans l’entreprise.
3. IL VOUS FAIT DES REMARQUES DEPLACEES ? Tâchez de savoir pourquoi
Promue à la tête de l’équipe chargée de l’événementiel par la directrice de la communication, Sadia est longtemps restée, aux yeux de celle-ci, une simple employée, subissant d’incessantes remarques, y compris sur sa tenue, jugée sportive et trop peu féminine. «S’entêter à s’habiller sportswear serait revenu à jeter son indépendance à la figure de sa supérieure, tandis que répondre «Je vais faire attention» aurait signé sa dépendance. Il con venait en fait d’équilibrer la relation en interrogeant la directrice sur les raisons de ses remarques et en lui expliquant ses propres choix», analyse Olivier de Clermont-Tonnerre, directeur chez Atomos Conseil. Après un échange, les deux femmes ont trouvé un terrain d’entente: puisque ses tenues décontractées étaient jugées inadaptées à son nouveau statut, Sadia a décidé de porter des tailleurs en réunion ou en rendez-vous et de conserver sa tenue habituelle lorsque son emploi du temps ne prévoyait aucune obligation de ce type.
4. IL VOUS COURT-CIRCUITE ? Marquez votre territoire
Son patron s’incrustait à toutes les réunions avec les chefs d’agence et lui coupait la parole. Pierre, directeur régional d’une banque, ne l’a très vite plus supporté. Le chef qui vous court-circuite est un classique du genre. Il vous décrédibilise en consultant directement vos troupes sur vos dossiers ou en tranchant en faveur d’un de vos collaborateurs en dépit de vos réserves. Réagissez vite et soyez malin. «Votre supérieur a ses raisons: inquiétude, pression de sa hiérarchie, etc. Quand vous les avez identifiées, proposez-lui une solution», conseille David Destoc. Ainsi, vous gardez le contrôle. C’est ce qu’a fait Pierre: son patron avait besoin d’un contact direct avec les chefs d’agence, il l’a donc invité à prendre la parole, mais à la fin de ses réunions.
5. IL NE DONNE PAS L’EXEMPLE ? Gardez vos distances
Si la ligne de conduite de votre N+1 est «Faites ce que je dis, pas ce que je fais», prenez du recul. Le directeur de région d’une enseigne commerciale était confronté à ce problème. Son directeur du développement attendait de lui un management irréprochable. Mais lui-même se montrait incapable d’arbitrer un conflit. «Dans ce cas, la solution est de travailler sur soi, pas de le placer bille en tête face à ses contradictions, souligne Ma rie Rebeyrolle. Interrogez-vous: pourquoi les manquements de votre patron provoquent-ils une telle irritation?» C’est ainsi que le directeur de région a compris qu’il idéalisait son supérieur au point de ne pas supporter ses imperfections. Cessant d’interpréter chacune de ses postures, il s’est contenté d’être, selon ses propres critères, un manager exemplaire. Une façon de prendre ses distances et de faire cesser son ressentiment.
Gaëlle Ginibrière
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Carré Pluriel – Marie Rebeyrolle : Comment recadrer son boss (sans se faire descendre).pdf