Il s’est créé en 2014 près de 20 000 nouveaux sites marchands en France, soit un par demi-heure.

Les e-commerçants peuvent pousser un « ouf » de soulagement. Crise de la consommation, guerre des prix… l’année 2014 a été rude. Mais cela n’a pas détourné les consommateurs français de leurs claviers. Les ventes sur Internet ont progressé de 11 % dans l’Hexagone en 2014, pour atteindre 57 milliards d’euros, selon le bilan annuel de la Fédération de l’e-commerce et de la vente à distance (Fevad), publié mardi 27 janvier. « C’est légèrement supérieur à ce que nous avions anticipé, grâce à un chiffre d’affaires en hausse de 13 % durant la période cruciale de Noël [novembre-décembre] », se réjouit Marc Lolivier, délégué général de la Fevad.

Le millésime 2014 s’inscrit toutefois dans la droite ligne des années précédentes : la croissance de l’e-commerce s’essouffle. Elle était de 13,5 % en 2013 et encore de 19 % en 2012. Pour la quatrième année consécutive, le panier moyen des commandes est en baisse. Il a reculé de 4 % en 2014 : l’internaute français ne dépense plus que 81 euros par transaction, 10 euros de moins qu’en 2010. Certes, ce recul est compensé par la hausse de la fréquence d’achat : les Français ont effectué en moyenne 20 transactions en 2014, contre 18 en 2013. Mais « la déflation observée dans le commerce physique est encore accentuée sur Internet, où le consommateur peut comparer les offres en un clic », justifie M. Lolivier.

La structure des achats joue aussi en faveur de montants plus faibles : le premier poste de dépenses sur Internet demeure l’électroménager et la high-tech, mais « on achète désormais aussi bien des couches que des stylos sur le Web », pointe M. Lolivier. Enfin, la tendance des cybermarchands à proposer la livraison gratuite pour attirer le chaland pénalise le panier moyen.

Surtout, de plus en plus de sites proposent au consommateur d’acheter sur le Net et de venir retirer son produit en magasin (« click and collect »). Un argument qui fait mouche en période de crise, et correspond à la volonté des consommateurs de faire des allers-retours entre Internet et le commerce physique. « On a changé d’ère : aujourd’hui, le consommateur veut avoir le choix », souligne M. Lolivier. Si 80 % des acheteurs s’aident d’Internet pour préparer leurs achats, près d’une commande sur trois est aujourd’hui retirée en magasin. Les consommateurs, urbains notamment, y voient l’avantage d’économiser les frais de ports et d’obtenir plus rapidement leurs produits.

Des reins solides

Pour les commerçants, c’est un moyen d’augmenter le trafic en magasin. Et le chiffre d’affaires : « Plus de 60 % des consommateurs achètent au moins un article supplémentaire en venant retirer leurs achats », indique M. Lolivier.

Un phénomène permis par une autre tendance lourde de l’e-commerce : la montée en puissance des enseignes « en dur ». « Le marché français s’est construit avec des pure players [présents uniquement sur Internet] : Cdiscount, PriceMinister, Vente-privée… La distribution traditionnelle est partie en retard mais se rattrape désormais », souligne M. Lolivier.

« L’année 2014 a été celle du rebond des enseignes en France », confirme Anne-Lise Glauser, directrice chez PwC. Selon la classement des 10 premiers sites d’e-commerce en termes de dépense des consommateurs, établi par PwC en novembre 2014, seuls les deux premiers (Amazon et Cdiscount) sont des pure players. Parmi les huit suivants, on trouve des enseignes spécialisées (Darty, Fnac, Boulanger…), mais aussi des distributeurs traditionnels (Auchan, Carrefour, Leclerc…), dopés par l’essor du « drive » (courses alimentaires sur Internet retirées en magasin).

« Les enseignes traditionnelles ont investi pour développer le multicanal, avec le click and collect mais aussi la possibilité de vérifier en ligne les stocks des magasins, et de retourner en magasin un article qui ne donne pas satisfaction », indique Mme Glauser. Les enseignes physiques jouent aussi sur « l’expérience client », selon le jargon des spécialistes en marketing. La Fnac a ainsi transformé ses magasins, y ajoutant des espaces enfants ou design pour attirer le chaland et compenser l’effondrement de ses marchés traditionnels.

Parties plus tard, les enseignes physiques peuvent aussi jouer sur les synergies avec leurs magasins pour limiter les pertes sur le Web. Car développer un site Internet coûte cher : l’informatique, la logistique (entrepôts) mais aussi le recrutement de nouveaux clients demandent des reins solides. Amazon n’est pas rentable et les branches drive des distributeurs alimentaires ont longtemps été des foyers de perte pour leurs maisons mères. Quant aux sites qui n’ont pas la taille critique (Pixmania, Rue Du Commerce), ils sont à la peine.

Pour 2015, la Fevad se veut toutefois optimiste : elle prévoit une hausse de 10 % des ventes en ligne. Une croissance portée par les nouveaux consommateurs – en France, 62 % des internautes achètent sur le Web, contre 79 % au Royaume-Uni, premier marché européen – et l’abondance de l’offre. « Il s’est créé, en 2014, 20 000 nouveaux sites marchands en France [pour atteindre 157 000], soit un toutes les demi-heures ! », souligne M. Lolivier.

Audrey Tonnelier

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