Après la démission d’Olivier Duhamel de la tête de la Fondation nationale des sciences politiques, Louis Schweitzer, président d’honneur de Renault, assurera l’intérim.

Quelques heures avant un conseil d’administration extraordinaire, la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP) a perdu un autre de ses éminents membres. Mercredi 13 janvier, le conseiller d’Etat Marc Guillaume, ancien secrétaire général du gouvernement et actuel préfet d’Ile-de-France, a en effet annoncé sa démission de tous les conseils d’administration où il siégeait avec Olivier Duhamel : la FNSP donc, la revue Pouvoirs, qu’il a longtemps codirigée avec le politologue, et le club Le Siècle. « Fréquentant Olivier Duhamel depuis des années, je me sens trahi et condamne absolument ces actes », a indiqué Marc Guillaume dans un bref communiqué.

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Visé par des accusations d’inceste, Olivier Duhamel, qui présidait depuis 2016 cette instance chargée de la gestion financière et des orientations stratégiques de l’Institut d’études politiques parisien, avait démissionné de ses fonctions le 4 janvier.

Introduisant la séance, le directeur de Sciences Po, Frédéric Mion, est apparu« affecté », selon plusieurs participants. « J’ai cru qu’il allait nous annoncer sa démission tellement sa déclaration était grave. Il avait l’air assez atteint et peut-être que la démission de Marc Guillaume le matin même y a contribué. » Il faut dire que sorti du cercle de l’institut, les soutiens publics à son directeur se font rares voire inexistants.

Seul membre du gouvernement à avoir réagi et par ailleurs ancien candidat à la succession de Richard Descoings à la tête de l’établissement, Jean-Michel Blanquer a lancé une pique dimanche 10 janvier : « Ce qui est certain, c’est que l’on doit regretter l’omerta pendant toute cette période, a déclaré sur RTL le ministre de l’éducation nationale avant de conclure : Ne pas dénoncer, c’est être complice. »

Besoin de transparence

Sans surprise, le conseil d’administration a élu Louis Schweitzer, président par intérim, pour remplacer Olivier Duhamel. Sa mission sera « d’accompagner l’évolution des pratiques de gouvernance au sein de l’institution » en préparant les élections de renouvellement d’une partie des sièges au sein du conseil d’administration, dont celui de la présidence de la FNSP, qui interviendra avant le 10 mai, précise Sciences Po dans un communiqué mercredi soir.

L’élection de Louis Schweitzer, unique candidat parmi les membres du « collège des fondateurs », auquel il appartient depuis 2006, s’est déroulée à bulletin secret, et à distance. A l’issue, le candidat a obtenu 22 voix et un vote blanc et son vice-président, le professeur émérite Jean-Paul Fitoussi, 21 voix et deux votes blancs.

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Elus enseignants, salariés et étudiants ont unanimement fait valoir le besoin d’une plus grande transparence dans le fonctionnement de la fondation, rapportent les participants interrogés par Le Monde. Pour renouveler en mars les cinq sièges vacants parmi les dix que compte le collège des fondateurs, puis choisir une nouvelle tête dirigeante, les représentants des enseignants ont proposé la constitution d’un « search committee » (« comité de sélection ») consultatif qui serait constitué d’au moins cinq fondateurs et d’au moins cinq membres élus du conseil d’administration. Ce comité aurait pour mandat de soumettre une liste de noms sur laquelle l’ensemble du conseil d’administration serait consulté. L’objectif étant de rompre avec le système actuel où chacun se coopte dans un petit cercle restreint.

« Il reste encore beaucoup de travail »

Louis Schweitzer est allé dans le même sens, reprenant l’idée de constituer un comité paritaire et appelant à y travailler lors de prochaines rencontres. Il se serait également engagé à renforcer le rôle de la commission de déontologie.« C’est un bon départ que de vouloir associer les membres du conseil à la nomination du nouveau président, estime Anaïs Picart, élue étudiante au CA. Mais il reste encore beaucoup de travail pour améliorer la transparence des instances et de l’administration. » Elle cite notamment le comité des dons, qui gère les levées de fonds et se réunit sans qu’aucun élu n’y siège et en l’absence de tout procès-verbal.

Dans une lettre ouverte adressée au conseil d’administration, 131 enseignants appellent les dix membres fondateurs à « ne plus reproduire les mécanismes de cooptation dont les enseignants et salariés de Sciences Po [sont actuellement]injustement obligés de payer le prix ». « L’ancien président était supposé nous représenter, mais nous ne l’avions pas choisi. »

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