Jouer les Candide ou comment trouver le juste équilibre entre assurance et doute dans sa manière de manager. Témoignages de jeunes cadres et créateurs d’entreprise dans l’ouvrage “Et la confiance bordel ?”.

La technique est bien connue de certains journalistes, dont je fais partie. J’avoue. Rien de tel que de faire état de son ignorance, de son incompréhension, quitte à en rajouter, pour amener son interlocuteur à s’expliquer le plus précisément et le plus clairement possible. Cette posture facilite ensuite grandement la description ou le décryptage de la situation.

Elle peut également être adaptée avec profit par les dirigeants. Trop peu l’ont compris. Mais ceux qui font exception s’en réjouissent. « Je veux toujours être le plus idiot de la pièce », explique ainsi le patron d’une chaîne américaine de restauration rapide à Business Insider, une lettre d’information numérique sur le management.

Ce PDG ne surjoue pas. Mais, plutôt que de truquer pour masquer ses faiblesses, il les affiche et s’en réjouit. « Je m’attache à n’embaucher que des gens plus éduqués et plus talentueux que moi », explique-t-il. Parce qu’il estime améliorer ainsi les décisions prises collectivement ; mais aussi s’enrichir lui-même intellectuellement. « Cette tactique m’a permis d’éviter de commettre de graves erreurs, à plusieurs reprises », ajoute-t-il, exemples à l’appui.

Loin de déstabiliser ses collaborateurs, cette situation les conforte au contraire, affirme-t-il. La raison nous en semble simple. Ses employés se sentent écoutés, respectés, et s’intéressent d’autant plus à leur travail. Les résultats sont au rendez-vous.

SUPER-MANAGEUR

De jeunes cadres et créateurs d’entreprise, signataires de l’ouvrage collectif Et la confiance, bordel ? (Financi’Elles, Institut Montaigne, éditions Eyrolles, 248 p., 20 euros) confirment. « Qui est notre super-manageur ? C’est avant tout quelqu’un qui possède une infinie capacité d’émerveillement… Se connaître, admettre ses forces et ses faiblesses, génère de la confiance en soi, et par effet miroir, de la confiance de la part des autres. »

Certes, pour montrer la voie et être suivi, il faut aussi avoir une vision, des compétences fortes. Notre PDG américain pèche sans doute par excès d’humilité.

Mais, à l’inverse, vouloir faire le malin, s’afficher comme celui ou celle qui sait tout, connaît la terre entière, afin d’impressionner son entourage, est bien souvent contre-productif. L’attitude bloque la parole des collaborateurs, inhibe leur créativité, leur envie de s’impliquer.

Pour trouver le juste équilibre entre assurance et doute, ne suffit-il pas d’agir avec sincérité ?

Annie Kahn

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