En 2013, les femmes représentaient 14,1 % des dirigeants d’entreprises, avec une progression de 1,2% en 10 ans. Il paraît que c’est encourageant.

« Même si la proportion de femmes dirigeantes au sein des entreprises de 10 à 5 000 salariés n’a pas progressé de façon suffisamment importante ces dix dernières années, plusieurs signaux permettent un certain optimisme », affirme Jacky Lintignat, directeur général du cabinet d’audit et de conseil KPMG, qui vient de réaliser une étude sur l’évolution de la place des femmes aux postes de direction générale au cours des dix dernières années, ainsi qu’à leurs motivations et difficultés. Le Mondevoile, en exclusivité, les résultats de cette étude.

En 2013, les femmes représentent 14,1 % des dirigeants d’entreprises. Leur part a progressé d’à peine 1,2 point en dix ans. Cependant, plusieurs signes encourageants sont à noter : leur progression au sein des entreprises de plus de 50 salariés, et une montée en puissance des femmes dans des secteurs traditionnellement masculins (industrie agroalimentaire, automobile, énergie), même si elles restent surreprésentées dans les secteurs des services aux particuliers, services sociaux et du commerce.

Certaines régions sont également porteuses de dynamisme : les femmes dirigeantes sont surreprésentées en Ile-de-France, dans le Sud et le Sud-Ouest par rapport à leur place dans la population active. Les trentenaires sont au rendez-vous : la part des dirigeantes femmes qui ont entre 30 et 40 ans est passée de 12,1 % à 18,2 %. « Cette dynamique est très prometteuse car elle devrait se répercuter et se poursuivre », note le directeur général de KPMG.

Le cabinet d’audit s’est également intéressé aux modes d’accès aux fonctions de dirigeant(e). C’est le même au départ pour les femmes et les hommes : elles (ou ils) créent eux-mêmes ou rachètent leur entreprise (44 % pour les premières, 43 % pour les seconds) ; ou ils bénéficient d’une promotion interne (27 % pour les unes comme pour les autres).

Transmission familiale

En revanche, les femmes deviennent plus souvent dirigeantes par transmission familiale (22 % contre 16 % pour les hommes). « Ce mouvement en profondeur est positif car il montre que les dirigeants n’hésitent plus confier la direction à leur fille alors que jusqu’à peu le réflexe était de se tourner vers leur fils ». À l’inverse, elles le deviennent moins par recrutement externe (7 % contre 14 % pour leurs homologues masculins).

Par ailleurs, on assiste à une montée en puissance des équipes mixtes. Ainsi la collégialité des dirigeants est devenue une réalité pour une entreprise sur cinq.

Elle concerne même une femme dirigeante sur deux. Les équipes dirigeantes sont donc devenues un moteur de l’accession des femmes au pouvoir au sein des entreprises. Plus d’une équipe sur deux résulte d’un contexte et d’une origine familiale. De ce fait, l’entreprise patrimoniale apparaît comme un moyen de faire émerger de nouvelles générations de dirigeantes.

Une fois en poste, les dirigeants, hommes et femmes, se retrouvent en grande partie sur leurs motivations, leurs difficultés ou encore leur conception de la fonction. C’est le goût d’entreprendre et la recherche de l’épanouissement personnel qui sont les moteurs de l’accession au pouvoir des dirigeants, appuyés en cela par une motivation et un état d’esprit particuliers.

Autre point de convergence, peut-être plus surprenant, hommes et femmes parlent d’une même voix de la difficulté à concilier vie privée et vie professionnelle, autant en amont de leur prise de fonction qu’après. Ensemble, ils affichent le management, la prise de décision stratégique et le développement commercial comme les trois domaines qui ancrent leur fonction.

Cependant, derrière cette apparente unité, se profilent des spécificités qui mettent en exergue les difficultés des femmes à accéder aux responsabilités mais également quelques différences intéressantes. Les femmes apparaissent moins à la recherche du pouvoir que capables de saisir les opportunités quand elles se présentent, contrairement aux hommes qui affirment leur volonté d’arriver à la direction des entreprises.

La transmission est également un moteur qui permet aux femmes de compenser les handicaps qu’elles peuvent rencontrer dans certains secteurs (BTP et Industrie). Elles continuent également à souffrir d’un manque de confiance en elles et ont fait, pour 11 % d’entre elles, l’expérience qu’être une femme était un obstacle sur ce chemin. « Cette moindre confiance en elles et le doute sur leur légitimité restent trop souvent des marqueurs des femmes entrepreneurs », regrette Jacky Lintignat. La famille, les amis et les réseaux constituent des atouts de poids face à ces difficultés, tout comme le bagage universitaire.

« La pression, le stress » en tête

Autre différence intéressante : les femmes ne sont que 8 % à citer en premier « le management » comme difficulté dans l’exercice de leur fonction alors que c’est le cas pour 21 % des hommes. En revanche, « la pression, le stress » arrive en tête des difficultés rencontrées pour 21 % d’entre elles, contre 13 % pour les hommes.

Sans surprise, les dirigeantes se sentent plus engagées pour améliorer la situation des femmes au sein de leur entreprise. Pour cela, elles privilégient des actions concrètes, particulièrement en ce qui concerne l’aménagement du temps de travail, alors que les hommes restent davantage dans l’écoute.

Le recrutement et l’évolution professionnelle sont, pour l’ensemble des dirigeants, l’autre grand moyen de rééquilibrer la place des femmes au sein des sociétés, même si les hommes sont légèrement en retrait sur ce sujet. En revanche, ni les hommes ni les femmes n’envisagent de discrimination positive à l’embauche.

Gaëlle Picut

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