Grâce à un système basé sur l’infrarouge, l’appareil photo de l’iPhone pourrait être désactivé pendant un concert ou une pièce de théâtre. Une bonne idée, mais qui s’accompagne du risque de la censure…

Il n’y a rien qui gâche plus un concert que de se retrouver juste derrière le spectateur qui a décidé de filmer l’intégralité du show avec son smartphone. Et tant pis s’il vous bloque la vue. Pour remédier à ce problème, Apple réfléchit depuis quelques temps à une manière de désactiver l’appareil photo de ses iPhones automatiquement.

Dès 2011, la firme à la pomme avait déposé un brevet pour une technologie de ce genre. Ce brevet vient maintenant d’être validé par les autorités américaines,  rapporte le site américain spécialisé « Patently Apple » .

Une demande croissante des artistes

Cette invention ne répond pas seulement à une frustration de certains spectateurs, mais aussi à une demande des artistes. Récemment,  la chanteuse Adele s’est arrêtée en plein concert pour demander à une de ses fans d’arrêter de la filmer. « Parce que je suis vraiment là ! Vous pouvez en profitez en direct plutôt qu’à travers votre caméra ». L’acteur Benedict Cumberbatch a eu la même réaction,  l’année dernière, alors qu’il interprétait « Hamlet » sur scène , déclarant que cela le « mortifiait » de voir des dizaines de lumières de téléphone dans la salle.

En juin dernier, la chanteuse new-yorkaise Alicia Keys a pris le problème à bras-le-corps en invitant le public, au début de ses concerts, à glisser leur smartphone dans une pochette « Yondr » se fermant automatiquement grâce à une sorte d’antivol. Une méthode qui lui permet aussi d’empêcher que ses morceaux ne soient partagés et diffusés sans son autorisation.

Un système basé sur l’infrarouge

Le système d’Apple fonctionne grâce aux rayonnement infrarouge. Il suffirait aux artistes de positionner des émetteurs infrarouges en haut de la scène, et ce signal serait reçu par les capteurs des iPhones. L’appareil photo (et vidéo) se bloquerait alors systématiquement.

Cette technologie ne serait pas uniquement restrictive. Elle permettrait aussi, par exemple lorsque l’on prend en photo un objet ou un lieu, d’afficher des informations supplémentaires. On pourrait alors imaginer des visites interactives – à découvrir à travers son smartphone – dans des musées ou aux alentours de monuments historiques.

Un risque de censure ?

Un tel système fait évidemment craindre des dérives. Pourquoi ne pas installer ces ondes de brouillage lors de manifestations pour éviter la propagation d’images montrant la violence policière,  comme le suggère le site Quartz  ? Ou alors empêcher de filmer certains lieux sensibles, comme des bases militaires ?

En 2011 déjà, l’annonce du brevet en 2011 avait soulevé quelques craintes.  Une pétition en ligne « Dear Apple, Don’t shut Down My Phone Camera », «Cher Apple, n’éteins pas mon appareil photo », avait circulé, faisant valoir que les smartphones sont aujourd’hui utilisés pour l’expression politique, l’organisation en communauté, et que ce genre de pratique serait une atteinte à la liberté d’expression.

Il n’est pas encore garanti qu’Apple va effectivement installer cette technologie sur ses téléphones. Des centaines de brevets sont déposés chaque année par le groupe, et la plupart ne vont pas au-delà du schéma sur papier. Mais, à l’heure où la protection des données personnelles et  le contrôle sur les appareils mobiles sont des questions cruciales, ce genre d’inventions est à garder à l’oeil.

LEILA MARCHAND

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