Une jeune fille a beaucoup moins de chances qu’un garçon de voir une publicité en ligne pour une école spécialisée, car les annonces vues par les femmes coûtent plus cher, explique la journaliste du « Monde » Annie Kahn.

Une fois de plus, l’enquête Gender Scan, qui quantifie la présence de femmes dans l’emploi scientifique et technique, tire la sonnette d’alarme : de moins en moins de femmes se forment au numérique, révèle sa dernière édition publiée le 13 mai. « La rentrée 2017-2018 ne comptait que 8 % de femmes parmi les 21 700 inscrits dans ces spécialisations, soit un point de moins qu’en 2010 ! » Or le secteur manque de têtes, on le sait. D’où la nécessité d’attirer un maximum d’individus – hommes et femmes – de qualité vers des emplois techniques.

Sans vouloir jouer les oiseaux de mauvais augure, il est probable que les vœux formulés par les futures étudiantes pour la prochaine rentrée universitaire n’inverseront pas la tendance. Et pour cause. Effacer un mauvais pli culturel, tel celui qui éloigne les femmes du numérique, nécessite, entre autres, un énorme investissement en matière de communication. Sur Internet, en particulier, vu la jeunesse de la clientèle visée. Or, une jeune fille a beaucoup moins de chances qu’un garçon de voir une publicité en ligne pour une école du numérique. La faute aux algorithmes d’affichage des annonces.

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Un travail de recherche mené par Grazia Cecere (Institut Mines-Telecom), avec Clara Jean (université Paris-Sud), Fabrice Le Guel et Matthieu Manant (Epitech), le prouve. Ils ont mené cent une campagnes publicitaires pour l’Efrei et l’Epitech sur Facebook, visant des jeunes entre 16 et 19 ans. Et ils ont constaté que les garçons y avaient été plus exposés que les filles.

Coût supplémentaire

Parce que tous les lecteurs ne voient pas la même publicité quand ils naviguent sur Internet. La parution d’une annonce varie en fonction du profil de l’internaute et du coût de l’annonce à un instant donné, le média sélectionnant le mieux-disant selon un système d’enchères.

Deux raisons qui discriminent négativement les filles pour une annonce d’école du numérique. Parce que les algorithmes ont tendance à reproduire les modèles existants. Et parce que les publicités vues par des femmes coûtent plus cher, confirme Elisabeth Cialdella, directrice générale adjointe Groupe Le Monde-M Publicité. « Les femmes consomment davantage sur Internet. Plus d’annonceurs souhaitent donc les atteindre. Ce qui accroît la concurrence et donc les prix des annonces ciblant des femmes », explique-t-elle.

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Pour attirer plus de filles dans le secteur, il faudrait donc que les algorithmes soient programmés pour les cibler. Ce qui augmenterait le coût de la campagne. Pour la raison évoquée précédemment, et parce que, pour atteindre cet objectif, il faut disposer de fichiers bien renseignés quant au genre des individus. Des fichiers particulièrement onéreux, ajoute Elisabeth Cialdella.

Le but visé justifiera-t-il ce coût supplémentaire ? La réponse sera une bonne manière d’évaluer la sincérité de la complainte exprimée.

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