Trois fichiers, dans les mains de certains services de police et de gendarmerie, vont pouvoir recueillir de nouveaux types d’informations sur les individus considérés comme dangereux pour la « sécurité publique ».

Ces fichiers contiennent environ 40 000 personnes chacun et concernent les individus constituant une menace pour « la sécurité publique ». Par décrets publiés au Journal officiel vendredi, le gouvernement a étendu ces fichiers aux personnes présentant un danger pour la « sûreté de l’Etat », en particulier pour « les intérêts fondamentaux de la Nation ».

Il s’agit du fichier Prévention des atteintes à la sécurité publique (PASP), du fichier Gestion de l’information et prévention des atteintes à la sécurité publique (GIPASP) et du fichier Enquêtes administratives liées à la sécurité publique (EASP), ce dernier étant utilisé pour réaliser les enquêtes administratives préalables à certains recrutements dans la fonction publique.

« Opinions politiques » et « convictions religieuses »

De nouvelles données pourront être renseignées dans ces fichiers. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), dans ses avis sur les fichiers PASP et GIPASP, note ainsi que « la rédaction de certaines catégories de données est particulièrement large ». De fait, pourront figurer dans ces fichiers « les opinions politiques » et les « convictions philosophiques et religieuses », et non plus seulement les « activités » politiques ou religieuses. Les personnes morales – en l’occurrence les associations – pourront désormais y figurer.

De plus, les « données de santé révélant une dangerosité particulière », les « données […] relatives aux troubles psychologiques ou psychiatriques », les « comportements et habitudes de vie », les « déplacements », les « pratiques sportives » ou encore les « activités sur les réseaux sociaux » pourront y être inscrits.

« Une pratique jusqu’ici illégale »

Le but de ces modifications, selon le ministère de l’intérieur, est d’adapter ces fichiers à la lutte contre le terrorisme. Les fonctionnaires chargés d’alimenter ces fichiers n’ont semble-t-il pas attendu cette modification du cadre légal. La CNIL note en effet dans ses avis que les changements décidés par le ministère visent à« tenir compte de l’évolution de certaines pratiques dans l’utilisation de ce traitement et, ce faisant, de les régulariser ».

« Nous sommes extrêmement choqués que le gouvernement ait fait ça sans débat public, en catimini », a réagi Arthur Messaud, porte-parole de La Quadrature du Net, ONG spécialisée dans la défense des libertés publiques. « Nous sommes aussi inquiets : tout ce qui avait été enlevé du fichier Edvige [qui avait fait polémique en 2008], à savoir le fichage des opinions politiques et religieuses, et non plus seulement des activités politiques et religieuses, a été remis », critique-t-il encore. « Comme pour la loi sur le renseignement, on a une pratique jusqu’ici illégale que la police convainc le gouvernement de légaliser a posteriori », dénonce enfin M. Messaud.

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