Pour comprendre l’histoire des idées, il est nécessaire de la replacer dans la longue durée. L’interview de David Armitage, professeur à Harvard. Brillant !!
L’hyperspécialisation des études historiques n’est pas une fatalité. Pour David Armitage, professeur à Harvard, il est urgent que l’histoire intellectuelle retrouve le sens et le goût de la longue durée. Sous peine de voir les approches naturalistes dominer ce que l’on nomme maintenant la big history.
David Armitage, né en 1965, est un historien britannique, spécialiste d’histoire intellectuelle, internationale et impériale. Professeur à Harvard depuis 2004, il y occupe la chaire Lloyd C. Blankfein. Son premier livre, paru en 2000, portait sur l’histoire intellectuelle de l’impérialisme britannique à l’époque moderne (The Ideological Origins of British Empire, Cambridge University Press). Depuis 2007 et la publication d’un livre consacré à l’histoire globale de la déclaration d’Indépendance américaine (The Declaration of Independence : a Global History, Harvard University Press), il s’efforce, seul ou en collaboration, de promouvoir un élargissement spatio-temporel des cadres habituels de l’histoire intellectuelle. Il a ainsi codirigé, chez Palgrave MacMillan, deux volumes portant sur l’histoire globale des révolutions de la fin du XVIIIe siècle (The Age of Revolutions in Global Context, 2010, en codirection avec Sanjay Subrahmanyam) et sur l’histoire pacifique (Pacific Histories. Ocean, Land, People, en codirection avec Alison Bashford, 2014). Il a également exploré la dimension internationale de la pensée politique d’auteurs classiques comme Locke, Hobbes ou Bentham (Foundations of Modern Intellectual Thought, Cambridge University Press, 2012).
Plus récemment, David Armitage plaide en faveur d’une prise en compte renouvelée de la longue durée dans les travaux historiques, en particulier en histoire intellectuelle. Sa réflexion part du constat que si l’on dispose de plus en plus de recherches spécialisées sur des régions ou des périodes circonscrites, l’histoire peine à apporter des réponses aux grandes questions de notre temps. À l’heure où se multiplient, aux États-Unis, les appels à promouvoir la big ou la deep history, Armitage s’inquiète du possible déphasage entre une histoire environnementale, biologique ou génétique, à même de couvrir plusieurs siècles ou millénaires d’histoire, et les approches beaucoup plus micro et réduites dans le temps de l’histoire politique, sociale ou intellectuelle. Ouvrir les horizons chronologiques serait aussi une condition pour resserrer les liens, distendus, entre les historiens et leur lectorat.
Ces idées, qu’Armitage a exposées dans un article publié dans la revue History of European Ideas et dans un article à paraître en français, au 1er semestre 2015, dans les Annales. Histoire, Sciences Sociales, sont discutées dans ce bref entretien réalisé à Paris en mai 2014. L’historien répond notamment aux interrogations que son projet soulève sur la possibilité de conjuguer longue durée et prise en compte des expériences, des émotions et des représentations portées par les acteurs historiques, ou bien encore sur les écueils à éviter pour ne pas ressusciter une histoire des idées fortement décontextualisée.
Entretien réalisé le 24 juin 2014 par