Le téléphone portable serait devenu un « iSelf » provoquant une angoisse de séparation ou nomophobie prouvée étude à l’appui.

Pendant un déjeuner avec une amie, Russell Clayton, doctorant à l’université du Missouri, a la surprise de voir sa convive le laisser précipitamment parce qu’elle a oublié son téléphone portable. Interloqué, il a l’idée de se pencher sur le sentiment de manque, voire de peur, qui habite certaines personnes lorsqu’elles sont séparées de ces petits objets devenus visiblement indispensables.

Dans une étude intitulée « The Impact of iPhone Separation on Cognition, Emotion and Physiology » (« L’impact de la séparation d’avec son mobile sur la cognition, l’émotion et la physiologie »), publiée le 8 janvier, il s’étend sur cette « nomophobie », contraction de l’expression anglaise « no mobile phobia », et arrive à deux conclusions :

  • Le téléphone portable est devenu « une extension de nous-même », à la manière du sonar de certains animaux, si bien qu’on peut parler d’« iSelf », de « soi connecté ».
  • Privé de son mobile, la personne souffrant de « nomophobie » a l’impression d’avoir perdu une part d’elle-même, et cela « peut avoir un impact négatif sur ses performances mentales ».

Psychologiquement diminué

Pour ses expériences, Clayton a fait appel à des étudiants. Prétextant le besoin d’essayer un nouveau tensiomètre sans fil, son équipe a mesuré la pression sanguine et la tension artérielle de 208 étudiants en journalisme invités à dresser une liste des 50 Etats américains.

A mi-parcours, il leur a annoncé qu’il était préférable de se séparer de leurs téléphones portables « pour ne pas créer d’interférences avec le matériel médical », et a demandé aux étudiants de recommencer le test de zéro, raconte Science Daily.

A chaque fois que les participants ont été déconnectés, les chercheurs ont constaté une augmentation significative de l’anxiété, du rythme cardiaque, des niveaux de pression artérielle et une diminution significative de la performance aux tests : les étudiants se sentaient psychologiquement diminués.

Cette angoisse avait déjà été identifiée en 2013 dans un sondage de la société anglaise d’enquêtes en ligne YouGov, qui travaillait sur le sujet depuis cinq ans :

  • Plus d’un Britannique sur deux (53 %) avait dit se sentir « anxieux » sans son portable ou quand celui-ci était éteint.
  • 55 % des personnes interrogées avaient prétexté avoir besoin de garder le contact avec leur famille ou leurs amis.
  • 10 % affirmaient avoir besoin d’être joignables à tout moment à cause de leur travail.

Audrey Tonnelier

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