Si le taux de chômage des femmes est plus bas que celui des hommes dans certains pays européens, les écarts de salaires, de taux d’emploi et de temps de travail restent élevés.

A première vue, le signal est encourageant. En août, le taux de chômage des femmes s’est établi à 8,5 %, contre 9,3 % un an plus tôt, selon les chiffres publiés, lundi 1er octobre, par Eurostat. En moyenne, il est un peu supérieur à celui des hommes (7,8 %). Mais ce n’est pas vrai partout : dans douze des vingt-huit pays membres de l’Union européenne (UE), le taux de chômage féminin est désormais plus bas que celui des hommes. C’est notamment le cas en France (9,1 % contre 9,5 %), en Allemagne (2,9 % contre 3,8 %) et en Belgique (6,4 % contre 6,6 %).

Ce tableau tranche avec la tendance observée avant la crise : dans l’Hexagone, le chômage féminin était plus élevé depuis des décennies. Cela s’est inversé en 2013, comme chez beaucoup de nos voisins. « Il est néanmoins trop tôt pour savoir si cela va durer », remarque Margaret Maruani, sociologue au Centre national de la recherche scientifique. Car cette évolution tient beaucoup à la nature de la récession : nombre d’emplois ont été détruits dans l’industrie, secteur plutôt masculin, tandis que les créations de postes sont aujourd’hui fortes dans le tertiaire, où les femmes sont plus présentes.

Surtout, quel que soit son niveau, le taux de chômage n’apprend rien sur les femmes exclues ou sorties du marché du travail – et donc, non recensées parmi les demandeurs d’emploi. « Ce n’est pas l’indicateur le plus pertinent pour appréhender les inégalités de genre liées au travail, complexes et multifactorielles », souligne Olivier Thévenon, membre de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Plus elles ont d’enfants, moins les femmes travaillent

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Voilà pourquoi les experts préfèrent regarder d’abord le taux d’emploi, mesurant la part des personnes en poste parmi celles en âge de travailler. Dans la zone euro, celui des hommes est supérieur de 11,2 points à celui des femmes (76,6 % contre 65,4 %). Mais cet écart, souvent plus élevé dans le sud de l’Europe, varie beaucoup d’un pays à l’autre : il est de 19,8 points en Italie et de 26,1 points à Malte, contre 7,9 points en France et en Allemagne. Sans surprise, les pays nordiques, en avance en matière d’égalité des genres, affichent des différences plus fines encore : 4 points seulement en Suède.

Se référer au seul taux d’emploi n’offre néanmoins pas un tableau complet. « Il n’a de sens que si on le compare dans le même temps au temps partiel, dont l’usage varie beaucoup selon les cultures », prévient Hélène Périvier, spécialiste du sujet à l’Observatoire français des conjonctures économiques. Les Néerlandaises et les Allemandes affichent ainsi un taux d’emploi élevé (72,8 % et 75,2 %). Mais elles sont très fréquemment à temps partiel : c’est le cas de 77 % et 46,4 % d’entre elles, contre 35,7 % en zone euro. A l’inverse, les Italiennes et les Grecques en poste sont plus souvent à temps plein… Mais elles sont beaucoup moins présentes sur le marché du travail, avec un taux d’emploi de guère plus de 50 %.

Dans tous les cas, une chose est sûre : plus elles ont d’enfants, moins les femmes travaillent, quel que soit leur pays. En France, le taux d’activité des mères en couple avec un enfant de moins de 3 ans était ainsi de 80 % en 2016, selon l’Insee. Mais il chute à 42 % pour les mères de trois enfants, dont un de moins de 3 ans, tandis que celui de leur époux, lui, ne varie guère.

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Assurer le financement de la protection sociale

Au regard de la situation qui prévalait à l’après-guerre, les progrès sont néanmoins considérables. « La réussite scolaire et universitaire des filles s’est traduite, dès les années 1970, par la montée progressive du taux d’activité des femmes », rappelle Mme Maruani. Dans les pays industrialisés, elles obtiennent aujourd’hui de meilleurs résultats scolaires et sont plus qualifiées ; 43,1 % des Européennes de 30-34 ans ont ainsi un diplôme de l’enseignement supérieur, contre 33,6 % de leurs camarades de l’autre sexe. En France, elles sont désormais aussi nombreuses que les hommes à décrocher des emplois de cadres à la sortie de leur formation.

« Mais, en dépit de leurs meilleurs diplômes, elles sont toujours moins bien payées que les hommes, de 16 % environ en zone euro, tandis qu’elles consacrent sept heures de plus qu’eux par semaine aux tâches ménagères », souligne Jolanta Reingarde, de l’Institut européen pour l’égalité des genres, une agence publique européenne. Constatés dès l’embauche, les écarts de rémunération se creusent lors de la naissance du premier enfant.

Pour tenter de faire bouger les lignes, l’UE et l’OCDE multiplient les forums sur le sujet. Car il n’est pas seulement question d’égalité : augmenter le taux d’emploi des femmes est également essentiel pour assurer le financement de la protection sociale à long terme. « Selon nos estimations, le moindre emploi féminin coûte 370 milliards d’euros par an à l’Europe, soit près de 3 % du produit intérieur brut », détaille Massimiliano Mascherini, de la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound).

Incitations et contraintes

L’expérience des pays nordiques montre que les systèmes de garde de la petite enfance, comme nos crèches, sont fondamentaux pour permettre aux femmes de concilier carrière et maternité. Tout comme les mécanismes incitant – voire contraignant – les pères à vraiment prendre leur part de congés parentaux. « Il n’en faudra pas moins pour faire bouger les mentalités du côté des hommes et des entreprises, où se situent aujourd’hui les principaux freins », conclut M. Thévenon. A l’exemple du système islandais, où chacun des parents a droit à un congé de trois mois rémunéré à 80 % du salaire, puis à trois mois supplémentaires à se partager. Et où les entreprises ne respectant pas l’égalité salariale sont soumises à des amendes…

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Marie Charrel

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