Le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFIPS) a récemment publié un rapport sur les 2,8 millions de travailleurs indépendants en France.
Voici le portrait-robot du travailleur indépendant d’aujourd’hui. C’est un homme (à 66 %), âgé de 46 ans, diplômé, dans le secteur des services. Si on exclut du compte les autoentrepreneurs et les agriculteurs, il exerce de plus en plus fréquemment sous forme sociétaire (45 %) et il gagne 38.280 euros par an. Une fois sur dix ses revenus sont nuls ou négatifs. Il prendra sa retraite après avoir travaillé quelques mois de plus qu’un salarié, pour une pension de 1.170 euros par mois (contre 1.280 euros en moyenne pour un salarié).
Dans un rapport publié récemment sur les 2,8 millions de travailleurs indépendants que compte la France, le Haut Conseil pour le financement de la protection sociale (HCFiPS) éclaire la révolution tranquille en cours depuis quarante ans. En 1970, deux emplois sur dix (20,8 %) étaient non-salariés, contre un sur dix en 2014 (10,6 %). Le point bas a été atteint au début des années 2000, avec seulement 2,2 millions d’indépendants. Depuis 2003, ils sont 500.000 de plus.
Remodelage de l’économie
Le recul des indépendants est allé de pair avec le remodelage de l’économie. Leur nombre dans l’agriculture a été divisé par cinq, fondant avec le nombre d’exploitations et la croissance du salariat. Les agriculteurs sont encore souvent indépendants, à 63 %. Mais ils ne pèsent plus que 15 % de l’emploi non-salarié, alors qu’ils formaient la moitié du bataillon il y a vingt-cinq ans.
Après l’exode rural, l’autre grand moteur du changement a été la mue du secteur tertiaire : les commerçants ont été remplacés par des chefs de rayon et des caissiers de supermarché. Résultat, seuls 9 % des travailleurs du tertiaire sont indépendants aujourd’hui contre quasiment le double en 1970.
On note également l’essor de l’exercice sociétaire. Plus de la moitié des agriculteurs font désormais ce choix, en créant une EARL ou un GAEC. Les médecins libéraux se regroupent aussi, avec une multiplication par treize du nombre de sociétés d’exercice libéral entre 2000 et 2010. Ces créations d’entreprises favorisent le salariat, parfois même pour le créateur lui-même. En 2011, on estimait ainsi que 168.000 indépendants de fait pointaient au régime général : dirigeants de SA ou de SAS, gérants minoritaires de SARL, gérants non associés de SNC, dirigeants de GIE.
Un million d’autoentrepreneurs
Si les indépendants reviennent en grâce, c’est à cause de la crise, qui a forcé nombre de Français à créer leur propre emploi, et de l’apparition en 2009 du statut d’autoentrepreneur. Il sont un million à bénéficier de ce régime social simplifié à condition de ne pas engranger trop de chiffre d’affaires. Ceux qui sont actifs gagnent seulement 5.280 euros par an. Par conséquent, en 2006-2012, le revenu moyen des indépendants a baissé de 15 % en euros constants en moyenne. Hors auto-entrepreneurs, il a progressé de 1,3 %.
Enfin, l’arrivée des plates-formes collaboratives a braqué le projecteur sur les nouvelles formes d’emploi précaire ou à la lisière du salariat. Le nombre de travailleurs affiliés aux plateformes « pourrait être supérieur à la seule estimation aujourd’hui disponible de 200.000 », selon le HCFiPS. Ce dernier relève toutefois que le non-salariat n’a pas été le seul à muter. Le salariat a crû, mais en tolérant une proportion croissante de contrats à durée déterminée, de contrats aidés, d’intérim et d’apprentissage : de 1982 à 2014, la part de ces emplois fragiles est passée de 5 % à 12 % du total.