Six techniques pour leur regonfler le moral.
Ils n’ont plus le jus, font la tête, baissent les bras à la moindre contrariété… Cas par cas, les conseils de coachs pour réagir de manière adaptée.
Motivés les salariés français ? Plutôt, mais sans grand enthousiasme. Ils sont seulement 54% à se dire investis ou très investis dans leur travail, selon le baromètre de Climat social 2015 publié par Cegos en octobre dernier. On en déduit logiquement que près d’un salarié sur deux est peu ou pas motivé.
Ce qui les démobilise le plus ? Une étude du Cercle pour la motivation pointe les divergences avec la hiérarchie sur l’orientation de l’entreprise, le manque de légitimité des managers ou l’ambiance délétère au sein des équipes. L’institut de sondages Gallup chiffre à 500 milliards de dollars par an le coût lié au désengagement des collaborateurs aux Etats-Unis. Extrapolé à l’échelle de la France, ce coût serait de 60 milliards de dollars, a calculé Le Monde. Et puis la démotivation peut être un signe avant-coureur de risque psychosocial qu’il faut diagnostiquer au plus tôt. Si votre équipe perd de son énergie, réagissez vite. Mais sachez qu’il n’existe pas de recette toute faite. “Le manager doit jouer avec les leviers de motivations intrinsèques à l’équipe ou au collaborateur concerné”, préconise Nicolas Desbordes, consultant et formateur chez CSP Formation. Il convient donc de s’adapter à chaque situation. Voici, pour vous aider, un florilège de cas de figure fréquents en entreprise avec les réponses appropriées.
1 . Ils sont épuisés ? Instaurez de vrais moments d’échange et de convivialité.
Confronté depuis des mois à un surcroît d’activité, le salarié d’un sous-traitant du secteur de la défense montrait des signes d’essoufflement. C’est lors d’une réunion d’équipe qu’il a crevé l’abcès. Son dirigeant a pris le temps d’identifier la cause de l’épuisement : l’insuffisance d’effectif, faute de visibilité à moyen terme sur le carnet de commandes. “Il y a trois types d’épuisement, détaille, Nicolas Desbordes. Celui lié au manque de vision sur la stratégie de l’entreprise ; celui provoqué par l’impression de subir les événements et le fait de se sentir incapable de réaliser une tâche demandée.” Selon le degré détecté, la réponse peut varier.
“Replacez la projet ou la mission dans un contexte global, redéfinissez avec l’équipe les priorités dans les dossiers à traiter et instaurez des rituels collectifs permettant d’avoir des échanges”, conseille Marie Rebeyrolle, coach et fondatrice de Carré Pluriel. Ancien directeur régional d’une enseigne de jouets, Frank avait pour habitude de réunir fin février, après les trois mois rush de la fin d’année, ses directeurs de magasin dans un gîte : “C’était l’occasion de passer ensemble un moment convivial pour souffler, réaliser un bilan des mois passés et se projeter dans l’année à venir lors d’ateliers de travail”.
Incitez aussi vos interlocuteurs à effectuer un “déparasitage”. Il s’agit, explique la coach Laurence Thomas, de dresser une liste des désagréments quotidiens qui pompent leur énergie – par exemple, une procédure qui leur est imposée sans qu’ils en comprennent bien son utilité, des relations conflictuelles avec une autre personne, etc. -, d’en évaluer le rapport bénéfice / coût et d’opérer des changements pour les éliminer petit à petit”.
2. On leur a refusé une promotion ? Adoptez la méthode du “cadrage positif”.
Bras droit du directeur financier d’une PME, François avait postulé pour remplacé son patron. Rétorqué par la direction générale, il a déployé toute sa force d’inertie quand son nouveau boss a pris ses fonctions. Dans ces conditions, allez-y avec des pincettes ! “Il faut laisser à la personne un peu de temps pour qu’elle exprime son mécontentement, recommande Marie Rebeyrolle. Cela nécessite de garder une posture neutre par rapport à la décision.” Faite preuve de bienveillance envers le collaborateur, sans le conforter dans son rôle de victime ni contester le bien-fondé de la décision. Laurence Thomas conseille la technique du recadrage positif : “En prenant du recul par rapport à la situation ou en la regardant sous un autre angle, on parvient souvent à une lecture plus positive, qui permet d’intégrer des bénéfices secondaires, au départ insoupçonnés. En accompagnant votre collaborateur dans cette démarche, vous allez l’aider à transformer une perspective démotivante en opportunité”.
Dans un second temps, aidez-le à se replacer dans l’action en l’interrogeant sur l’avenir : quels projets veut-il travailler, quelles compétences souhaite-t-il développer, etc. ? Frank, notre premier témoin, avait pris le parti de “coacher” un directeur de magasin de jouets qui s’était vu refuser un poste de directeur régional. Croyant en lui, il l’a soutenu pour décrocher une mission transversale sur la qualité de vie au travail. Cela lui a permis d’élargir son expertise et de gagner en visibilité auprès de la direction générale. Attention cependant à ne pas proposer une solution toute faite. “Cela ne ferait que dégrader davantage l’estime de soi de votre collaborateur. Aidez-le au contraire à trouver ses propres motivations”, conclut Marie Rebeyrolle.
3. Ils ont perdu un gros contrat ? Inculquez-leur la culture de la résilience.
Perdre un appel d’offres après avoir planché des jours sur une proposition commerciale est une déconvenue fréquente pour les équipes de consultants. Marie Rebeyrolle y a elle-même été confrontée. “C’est une question d’état d’esprit, analyse-t-elle. Il faut préparer l’équipe à cette éventualité en lui répétant que l’échec fait partie des possibilités et qu’il n’y a rien de catastrophique”. Inutile, ensuite, de s’éterniser sur les raisons de l’échec, d’autant qu’on ne les connaît pas toujours. “En revanche, recommande-t-elle, prenez un temps de recul et d’analyse. Réfléchissez ensemble à faire différemment la prochaine fois – plutôt que de faire mieux. Ne cherchez pas seulement à colmater quelques petites brèches. Regardez ce qui a été fait ou pas, remettez à plat les processus, bref, saisissez les opportunités de changement”. L’objectif, procéder à une vraie refonte pour mieux repartir de l’avant.
4. Un changement leur est imposé ? Transformez-les en acteurs de leur destin.
En pleine réorganisation à la suite d’une fusion de trois régions, le service administratif d’une chambre consulaire a travaillé, il y a quelque temps, à l’harmonisation de ses pratiques en matière de gestion de la paie et de règlements des fournisseurs. Dans cette structure de dix salariés, la résistance au changement s’est exprimée chez plusieurs d’entre eux. On l’a vu avec l’exemple de ce salarié découragé après une promotion refusée : il est vain d’essayer d’insuffler de la motivation tant que le changement n’est pas accepté. “Or, souligne Laurence Thomas, celui-ci se traduit par une courbe en deux temps : d’abord une phase descendante, négative, tournée vers le passé, que le manager doit accepter, car le collaborateur a besoin d’aller jusqu’au bout de cette phase. C’es ensuite seulement que l’acceptation intervient, amorçant une phase ascendante”.
A l’issue de cette phase descendante, donnez à voir les opportunités qu’offre le changement en toute sincérité et sans manipulation. Dans le service administratif de cette chambre consulaire, une quinzaine de pratiques à harmoniser ont été recensées par l’équipe, chacun pouvant se positionner comme leader ou coleader d’un des projets. Cette position d’expert a conforté les employés dans leur savoir-faire et a permis de lever leurs réticences.
5. Un nouveau concurrent a débarqué ? Recentrez-les sur le marché.
C’est la version managériale de la fable du Lièvre et la tortue. Lors d’une intervention , Nicolas Desbordes a mis en compétition deux équipes chargées de construire la tour en papier la plus haute possible. Alors que le premier groupe affichait une belle avance, ses membres se sont démobilisés en voyant que leurs challengers étaient à la traîne… jusqu’à se faire rattraper dans la dernière ligne droite. Le formateur en fait souvent la démonstration : rien de tel que de reste l’œil rivé sur votre concurrent pour casser votre créativité, perdre de la motivation et courir à l’échec. “Le rôle du manger, indique-t-il est d’aider son équipe à se détacher du nouveau concurrent, à se recentrer sur le marché et à s’orienter vers des objectifs internes, qui n’auront pas été calés sur la stratégie du nouvel arrivant”.
Cette situation fait partie du quotidien de Younès, directeur régional d’une chaîne de vêtements. “Lorsque l’ouverture d’un magasin concurrent est connue, nous devons préparer l’équipe. En général, cela se traduit par une baisse de 10% du chiffre d’affaires. Les objectifs doivent donc être revus à la baisse pour un temps. Ensuite, il faut mettre les collaborateurs en ordre de marche afin qu’ils élaborent des solutions répondant encore mieux aux attentes des clients.”
6. Ils font partie des meubles ? Valorisez leur talents en leur proposant de jouer les mentors.
A 55 ans, après vingt ans passés aux mêmes fonctions, un employé multipliait les retards aux réunions et ne prenait plus aucune initiative. Après quelques séances de coaching, il est apparu que cet homme avait besoin de faire le tri dans sa vie personnelle avant de pouvoir se projeter dans son travail (il avait des problèmes de santé à régler). “Dans ce type de situation, la première étape vise à comprendre pourquoi la personne a perdu le feu sacré”, souligne Laurence Thomas. On veillera pour cela à installer un climat de confiance encourageant le collaborateur à se laisser entraîner sur le terrain de l’intime. Dans un second temps, valorisez ses talents et proposez-lui un rôle de mentor. Dans la chambre consulaire en réorganisation évoquée plus haut, un cadre spécialiste de la paie a retrouvé de l’entrain lorsqu’elle s’est mise à transmettre son expertise à une collègue plus jeune. Regonflée à bloc un an avant sa retraite, elle a pu ainsi achever sa carrière en beauté.
Gaëlle Ginibrière
Article paru dans Management 2016-03 et Management Hors-Série 2016-10/11.